Les Suisses adorent la bière. Et les cafetiers-restaurateurs ?
Yan Amstein : La bière connaît depuis plusieurs années un succès sans précédent en Suisse. Les consommateurs en sont friands et les restaurateurs également. Ils sont de plus en plus nombreux à la mettre sur leurs cartes et à proposer des expériences gustatives autour de ce produit, soit en l’intégrant dans les mets, soit en la proposant en accord avec leur offre gastronomique. Autre fait intéressant : ce sont les régions viticoles qui sont le plus en avance. Les épicuriens y sont plus ouverts à la dégustation d’autres produits que le vin.
Comment la marier aux mets ?
Y. A. : La bière est un produit d’une grande complexité. Avec le vin, on se repère facilement en se référant aux typicités des cépages. Le brasseur apporte tout son savoir-faire lors de la fermentation. Le champ des possibles est infini, qu’il s’agisse des céréales choisies ou des épices qu’il est amené à utiliser. Si le produit est complexe, son goût est plus clair. Il est assez aisé de le marier avec des mets en tentant de prolonger les sensations et les arômes communs aux bières et aux plats, ou en optant pour l’opposition. Le plus compliqué est de l’utiliser en cuisine, car la législation suisse n’oblige pas à mentionner les épices présentes dans la bière sur l’étiquette, si celles-ci ne dépassent pas 1% de sa composition. Or, si le cuisinier réalise une réduction, 1% de poivre peut se muer au final en 10% !
Les cuisiniers sont-ils suffisamment formés à l’utilisation de la bière ?
Y. A. : La difficulté réside dans l’absence d’informations précises sur les étiquettes. Les cuisiniers passionnés doivent faire leurs propres expériences, à l’instar de Mathieu Bruno du Là-Haut à Chardonne qui nous sollicite beaucoup pour avoir des détails sur la composition et la typicité des produits. Le tout premier à s’être lancé dans cette démarche, c’est Benoît Violier à Crissier. Il adorait la bière et a réalisé des essais durant un an avec 150 sortes de bières.
Lors de votre jubilé fin août, des workshops se tiendront avec des brasseurs. L’occasion d’en apprendre plus ?
Y. A. : Trente-deux brasseurs seront présents. Il y aura du food pairing (ndlr : accords mets-bières) et également une dégustation de bières millésimées de la maison belge Orval avec laquelle nous collaborons depuis nos débuts. Pour un chef qui veut se lancer dans l’utilisation de la bière en cuisine, je recommanderais qu’il prenne contact avec Max Speckinger, qui travaille chez nous depuis 14 ans. C’est un véritable expert en la matière qui pourra le guider.
Propos recueillis par
Manuella Magnin