Madagascar vanille et cacao amers

Bien sûr, il est difficile de porter sur ses épaules toute la misère du monde. Mais pour qui fait partie des quelque 300 000 touristes qui ont visité Madagascar en 2019, il est impossible de demeurer indifférent aux conditions de vie extrêmement précaires dans lesquelles vivent les trois quarts des Malgaches, sans eau courante ni électricité, sans accès à des installations sanitaires, avec un revenu bien inférieur au minimum vital, reconnu à l’échelle internationale. Pourtant, cette île à la magnifique biodiversité recèle bien des richesses, au rang desquelles la vanille et le cacao qui séduisent les plus fins palais à travers le monde. 

À la veille de Noël, ou tout au long de l’année, pourquoi ne pas rajouter 1 franc pour chaque mets intégrant ces savoureux produits ? Une pièce en guise de geste solidaire pour les paysans malgaches qui pourrait être reversée à l’Association des amis du Père Pedro en Suisse. L’homme soutient les populations locales depuis 30 ans par le biais de l’association Akamasoa (voir encadré). Une autre façon de soutenir les paysans est bien évidemment de s’approvisionner auprès de fournisseurs engagés pour un commerce plus juste, à l’instar de Felchlin en Suisse.

« Personne ne s’est soucié des paysans depuis l’indépendance. » 

Quand on voyage à Madagascar, on a le sentiment que ce pays a été abandonné depuis des décennies. Combien de gens vivent en dessous du seuil de pauvreté ? Père Pedro : Le seuil de pauvreté est atteint lorsque l’on gagne moins de 2 dollars par jour. Le salaire minimum d’embauche est passé cette année de 168 000 à 200 000 ariarys, soit de 45 à 55 francs. Mais cela ne concerne de loin pas toute la population. On considère que 70 % des Malgaches vivent au-dessous du seuil de pauvreté extrême. 

Pourtant, il y a de multiples richesses dans le pays. À qui profitent-elles ?
P. P. : C’est un grand mystère ! En tout cas pas à la grande majorité de la population malgache. Au-delà de la biodiversité, il y a d’énormes richesses dans ce pays : de l’or, du pétrole, des minerais, des pierres précieuses, de la vanille, du cacao et des épices. On s’interroge par exemple quant aux milliers de zébus qui disparaissent chaque année. On se demande s’il y a des usines clandestines de corned-beef destinées à l’exportation.

Le nouveau président de Madagascar a fait beaucoup de promesses au peuple. A-t-il les moyens de les tenir ? 
P. P. : C’est un homme jeune, visionnaire et sincère qui veut changer les choses. Il a déjà commencé, notamment en luttant contre la corruption qui est endémique. Il a pris des mesures contre les agents à l’aéroport ou sur les routes qui vivaient du racket de la population. Le problème à Madagascar vient de l’opposition qui cherche à le faire trébucher. 

Est-ce qu’une révolution ne pourrait pas faire bouger les choses ?
P. P. : La révolution doit se faire dans les mentalités. Je pense qu’il faudrait également donner plus de pouvoir et de moyens financiers aux communes pour qu’elles puissent prendre en main le développement régional à tous les niveaux, qu’il s’agisse de l’éducation ou de la santé. Les paysans ont aussi besoin d’être aidés. Personne ne s’est soucié d’eux depuis l’indépendance.

Vous parlez de la paysannerie. En Europe, nous nous donnons bonne conscience en achetant des produits issus du commerce équitable. Est-ce suffisant ? 
P. P. : Le commerce équitable devrait impérativement veiller à ce que les gens aient des conditions de vie décentes. Lorsque je trouve des produits artisanaux malgaches en Europe à des prix très élevés, sachant ce qui a été payé sur place, je m’interroge sur l’équité. En ce qui concerne le cacao ou la vanille, je sais qu’il y a des sociétés qui se soucient des producteurs. Mais, comme dit précédemment, la majorité des paysans ont des revenus inférieurs au minimum vital.

Vous avez fait énormément pour la population malgache depuis 30 ans. Comment voyez-vous l’avenir ?
P. P. : Le pape m’a posé cette question en septembre lorsqu’il est venu à Madagascar ! Pour l’instant, je continue. Je prépare ma succession en donnant l’exemple. Je prends mon bâton de pèlerin chaque année durant trois mois pour donner des conférences en Europe sur ce que nous faisons à Akamasoa et lever des fonds. Il y a encore énormément à faire. Je peux à peine me déplacer dans le pays. Je suis suivi par des hordes de gens qui me demandent de l’aide !   

Propos recueillis
par Manuella magnin

Akamasoa en chiffres  
En 30 ans, Akamasoa a redonné espoir à près d’un million de Malgaches, en proposant une aide temporaire d’urgence à toutes les familles démunies qui se sont présentées à son centre d’accueil. Pour la seule année 2018, 33 225 personnes sont passées par ce centre. 70 familles par jour ont reçu une assistance ponctuelle.
Plus de 25 000 personnes habitent dans les 22 villages érigés par l’association. Au total, ce sont 3 139 maisons qui ont été construites, mais aussi des écoles, des dispensaires, et des structures sportives. 
En une année, 1 700 000 repas ont été servis à la cantine scolaire. 14 453 enfants sont scolarisés dans ses écoles et 746 collaborateurs malgaches œuvrent avec le Père Pedro. 
L’association assure aussi un salaire à 3 058 personnes (carrières, maçonnerie, artisanat, santé, professeurs, cantines, personnel d’entretien des villages). Grâce à Akamasoa, les enfants d’il y a 30 ans exercent aujourd’hui des métiers qui leur permettent de vivre décemment.


Pour faire un don : 
Association Les amis du Père Pedro Suisse
www.perepedro.ch, 
LAPPS IBAN : CH85 0900 0000 1212 3881 9