On trouve l’hygrophore de mars, appelé aussi dormeur ou marzu, dans les montagnes nord américaines, et des Pyrénées aux Alpes tchèques, mais on le repère rarement. Ce champignon apparaît à la fonte des neiges, de mi-février à mi avril, selon les conditions climatiques.
L’hygrophore de mars, qui pousse entre 700 m et 1200 m d’altitude, dans des forêts de conifères, chênes, hêtres et châtaigniers, se cache parfois sous des feuilles mortes, des touffes de myrtilles ou d’airelles, mais il peut aussi former un genre de petite taupinière, dans lequel il reste enfoui, en groupe, jusqu’à maturité où il est tout blanc.
Son chapeau, de 3 à 15 cm, gris ardoise à noir et rond, s’aplatit et s’incurve à mesure de sa croissance. La cuticule légèrement visqueuse sèche vite. Le reste, blanc, devient gris avec l’âge: les lamelles espacées se prolongent en mourant le long d’un pied charnu et court.
L’amateur non éclairé fera bien de faire contrôler sa récolte par les autorités locales compétentes – démarche obligatoire en cas de commercialisation –, sachant toutefois que les risques de se tromper sont minces, si l’on considère que, à l’époque de sa poussée ce champignon est seul dans nos bois… On peut également s’en procurer sur les marchés et chez certains spécialistes.
Lors de sa récolte, il faut veiller à ne pas l’arracher, ni ramasser les vieux sujets, pour laisser à ce champignon rare toutes les chances de repousser, l’année suivante. Car il sait se faire désirer: au Pont de Brent, restaurant doublement étoilé, où on lui voue un véritable culte, Stéphane Decotterd se souvient de ne pas avoir pu en cuisiner pendant trois ans, faute de récolte.
A l’instar de Laurent Francini, président gourmet de la chanterelle de Ville la Grand, en France voisine, et grand mycologue, Stéphane Decotterd recommande de poêler l’hygrophore de mars tout simplement, à l’huile de pépins de raisin, sans ail ni oignon, mais accompagné de persil plat en coulis, ou façon épinards, avec un soupçon de crème sur la fin. Au Pont de Brent, on propose aussi ce champignon selon d’autres recettes, plus élaborées, telle cette poêlée d’hygrophores au thym et persil plat sur galette de polenta.
Certains suggèrent de l’accompagner de pommes de terre sarladaises, de le cuisiner en cocotte à la crème avec un filet de citron, voire d’en faire un velouté au cresson de fontaine. D’autres préconisent de l’accompagner de pâtes fraîches relevées de gruyère râpé, ou de foies de volailles et jambon blanc. Ce plaisir de fin d’hiver sait rester simple à préparer: une véritable aubaine pour un plat vraiment original.
JF Ulysse