Lors de votre virée à CaReHo, ne manquez pas une visite à la boutique Morand, à deux pas de l’Hôpital de Martigny. Dans cette véritable caverne d’Alibaba, vous pourrez, bien sûr, déguster une magnifique gamme de sirops, ou acheter quelques alcools qui fleurent bon les fruits du verger.
En bon Genevois, vous jetterez sans doute votre dévolu sur un flacon de Moitié Moitié, une liqueur de poire Williams affichant 36% de vol. d’alcool. Un petit plaisir gourmand, très populaire dans les établissements du bout du lac, et qui fait merveille notamment dans les cocktails, ou comme petit remontant sur les pistes de ski.
Si les Genevois aiment la poire sous toutes ses formes, ce n’est peut-être pas par hasard. La marque Williamine est en effet née à Genève. Elle a été créée par une distillerie de la commune de Plan-les-Ouates. Comme, cependant, celle-ci ne distillait en fait pas de poires Williams, elle a accepté de céder le nom de Williamine à André Morand qui avait dans l’intervalle découvert l’arôme exceptionnel des Williams du Valais et souhaitait utiliser cette marque spécifique pour l’eau-de-vie qu’il en tirait.
Cette origine genevoise est illustrée par une étiquette d’une eau-de-vie de poire commercialisée au début des années quarante par la distillerie de Saconnex-d ’Arve, et attestée par les écrits de Pierre Puhl pour le groupe des archives La Mémoire de Plan-les-Ouates. C’est un certain Alphonse Saxoud qui le premier donna le nom de Williamine à une eau-de-vie de poires, à une époque où la culture des poiriers n’était pas encore répandue dans la plaine du Vieux Pays.
Appellation d’origine protégée
Le Patrimoine culinaire suisse relate qu’on voit apparaître à Riddes en 1904, le premier verger de Williams. En 1940, Francis Germanier, viticulteur valaisan, plante quelques hectares de poiriers dans son domaine de Balavaud. Il choisit la variété Bon Chrétien Williams (voir encadré). En août 1945, une tempête rend la récolte impropre à la commercialisation. Afin de minimiser les pertes, les fruits les plus beaux et les plus mûrs sont distillés. L’eau-de-vie de poire Williams connaît alors un certain succès auprès d’un petit cercle d’habitués de la région. C’est grâce à la distillerie Morand qu’elle acquiert une renommée internationale. Alphonse Saxoud lui vend le nom de Williamine® qu’il avait préalablement déposé à Genève. L’Eau-de-vie de poire du Valais sera enregistrée comme AOP en 2001.
Si la Moitié Moitié est prisée à Genève, ce serait dû aux restaurateurs du canton qui ont eu l’idée de mélanger de la Williamine® à de la liqueur, pour en alléger la teneur en alcool. Une façon de conquérir aussi la jeune génération qui ne consomme plus autant d’alcool.
Manuella Magnin
L’origine d’une poire
Il existe deux versions différentes des origines de la poire Bon Chrétien Williams, appelée aussi Williams. Selon la première, le qualificatif Bon Chrétien proviendrait de François de Paul, appelé par Louis XI, agonisant, pour le soigner. Il lui aurait offert une semence de poirier de sa Calabre natale. Le poirier qui poussa fut baptisé Bon Chrétien. À la fin du 18e siècle, la variété aurait été implantée en Angleterre et aurait pris le nom d’un jardinier nommé Williams. Selon la seconde version, la poire Williams serait l’œuvre de Stair Wheeler, instituteur dans le Berkshire, qui l’aurait obtenue vers 1796. Ce n’est ensuite que vers 1816 qu’un pépiniériste du nom de Williams de Turnham Green, basé près de Londres, aurait commencé à répandre cette variété.
Sources : la Distillerie Morand, de génération en génération,
coll. «Terres d’encre », Éditions Pillet, 2023.