Bilan de l’année écoulée, liberté entrepreneuriale, tourisme de restauration, numérisation, défis pour 2017: Casimir Platzer, Président de GastroSuisse, répond à nos questions.
Quel bilan faites-vous de l’année 2016?
Le taux de change et l’îlot de cherté sont deux éléments qui ont une forte influence sur les affaires de la branche. Des marchés du voyage importants se sont décalés en 2016 et le tourisme en Suisse se développe de façon de plus en plus entre les villes et les régions alpines. Tout me préoccupe beaucoup! C’est pourquoi nous demandons avec beaucoup d’engagement une politique du tourisme plus efficace de la part de la Confédération.
En 2016, la discussion sur la mise en œuvre de l’initiative contre l’immigration de masse a polarisé la politique. Pour l’hôtellerie-restauration, il est indispensable que la conception de la politique d’immigration prenne en compte nos besoins spécifiques en main-d’œuvre!
Autre sujet en point de mire: la nouvelle CCNT. Après plus de deux années d’âpres négociations, celle-ci a pu être approuvée et ratifiée. La CCNT entre en vigueur le 1er janvier 2017 et est entretemps devenue la plus grande convention collective de travail de force obligatoire générale en Suisse.
Pour l’année qui s’annonce, nous souhaitons une stabilisation de la situation conjoncturelle. La toute récente évaluation du Centre de recherches conjoncturelles de l’EPF de Zurich précise que la tendance vers le bas s’est ralentie. Cela nous donne de l’espoir pour l’avenir.
Comment comptez-vous développer la liberté entrepreneuriale et freiner la frénésie des réglementations?
Un travail politique efficace sera, en 2017 aussi, un des pivots des activités de notre fédération. Il consiste à faire du lobbying au Parlement, à suivre les réseaux sociaux et à former des alliances.
Dans ce contexte, l’apprivoisement du monstre de bureaucratie qu’est le «Projet Largo» n’est pas une mince affaire. Ce document bourré de surrèglementations ne compte pas moins de 2000 pages. Notre objectif déclaré est que ce paquet de réglementations se transforme en un document applicable dans la pratique pour l’hôtellerie-restauration. Nous sommes sur la bonne voie.
Qu’en est-il de la convocation d’un sommet pour le soutien du tourisme dans les régions alpines?
Vu la situation critique du tourisme, notamment dans le domaine alpin, et en réponse à la revendication d’une rencontre au sommet du tourisme de la part de la branche, le Président de la Confédération, Monsieur Johann Schneider-Amman nous a invité à un dialogue au printemps 2016. Différents contacts et une table ronde ont eu lieu afin d’explorer ensemble les possibilités réalistes pour de bonnes conditions cadres et moins de bureaucratie, et afin de les appréhender toutes forces réunies. La situation n’est pas aisée et des mesures concrètes n’ont malheureusement pas encore été prises. Convaincre le gouvernement et l’administration du sérieux de la situation est une entreprise ardue.
La restauration traditionnelle est en diminution (entre 5% et 9%). Comment lutter contre le fast-food et les take-away qui progressent sûrement?
Sur la totalité de l’argent dépensé par nos concitoyens pour manger hors foyer, plus de la moitié est consacrée à la restauration traditionnelle. La part du marché de la restauration rapide s’est même élevée en 2015 un peu moins haut (17,6%) que l’année précédente. La restauration rapide est toutefois un marché important.
En raison de la mobilité élevée de la société, des horaires de travail flexibles et des taux d’occupation élevés, on mange et boit aujourd’hui presque partout et à tout moment. La variété des concepts et des offres augmente constamment.
De nombreux restaurants traditionnels, quant à eux, ont reconnu la tendance à se ravitailler rapidement et de manière peu compliquée et ont adapté leurs offres: repas de midi flexibles, take-aways, voire service à domicile. La numérisation progressive ouvre aussi de nouvelles chances de marché pour les entreprises traditionnelles. On ne peut pas se fermer au développement, il faut en faire un outil!
Comment agir face au tourisme de restauration (22.4 milliards de francs dépensés en 2015 par les Suisses hors foyer) qui nuit à la consommation nationale?
La population suisse a dépensé au total 22.4 milliards de francs en 2015 pour manger hors foyer. Ces dépenses ont diminué de 260 millions par rapport à l’année précédente. Sur la base des coûts des marchandises et de personnel élevés en Suisse et en raison de la force du franc, les prestations de l’hôtellerie-restauration suisse sont devenues, sans que nous en soyons responsables, plus chères que dans les pays voisins. En raison du seul tourisme de restauration, quelque quatre milliard de francs par année s’échappe vers les pays frontaliers. C’est très grave! Nous luttons au niveau politique contre cette perte de valeur ajoutée, notamment par le soutien actuel à l’initiative populaire fédérale «Stop à l’îlot de cherté – pour des prix équitables!»
Quels seront les nouveaux défis que vous allez affronter en 2017?
Le monde est en pleine mutation; cela se répercute sur le comportement de nos clients. La mobilité élevée, la mondialisation et également la numérisation progressive influencent l’hôtellerie-restauration. Notre branche est mise au défi d’être encore plus flexible et plus innovatrice.
L’amélioration des conditions cadres pour l’hôtellerie-restauration et le renforcement de la compétitivité de la Suisse sont les premières priorités de notre agenda politique. Nous luttons de toutes nos forces pour des mesures en faveur de l’hôtellerie-restauration en général et de l’économie dans les régions alpines en particulier. Nous voulons soutenir nos membres avec efficacité et les accompagner dans leur quotidien professionnel.
Dans la perspective de l’année à venir, nous espérons que les trois facteurs influents classiques, à savoir économie, cours du change et climat, feront pencher la balance du bon côté.
Propos recueillis par Nathalie Brignoli