Pour le Français amateur de vins, la Suisse viticole se résume un peu trop souvent au Fendant, qu’il définit comme «un vin blanc sec et fruité issu du chasselas»… Mais un article, paru récemment dans le grand quotidien parisien Le Figaro, célèbre l’Arvine, ce «cépage autochtone du Valais» qui, selon une description quelque peu réductrice au demeurant, produit «les plus grands vins blancs de Suisse».
Paris semble décidé à regarder au-delà de la ligne bleue du Jura, sans discerner pourtant que la Suisse produit aussi un savagnin, rebaptisé ici Païen ou Heida, et qui tient la dragée haute à celui des vignobles d’Arbois. Enfin, saluons l’effort de nos Parisiens découvrant sans condescendance que d’autres vins existent aussi hors de leurs frontières.
C’est ainsi que l’article précise qu’au fin fond (SIC) du Valais, quelques viticulteurs ont décidé de faire revivre un cépage trop longtemps oublié, l’Arvine. Le quotidien précise, entre autres, que tel est le cas de Mike et John Favre, deux frères vignerons de Saint-Pierre-de-Clages, près de Chamoson.
Le dictionnaire Vouillamoz précise bien qu’il se cultive, en Suisse, 44 cépages vinifiés en blanc, parmi lesquels neuf sont indigènes et huit sont considérés comme traditionnels, ce qui signifie qu’ils ont été introduits dans le vignoble suisse avant 1900.
Un cépage ancien et orphelin
Blanc indigène, l’Arvine, déjà mentionné en 1602 sous le nom d’Arvena, est un cépage orphelin: le test ADN ne lui a pas trouvé de parents sûrs, mais des analyses le situe proche du Chasselas. Il faut éviter la confusion avec le sylvaner, appelé parfois Grande Arvine et sans lien de parenté. Cépage noble cultivé autrefois en Savoie, il est même surprenant que l’on n’ait guère essayé l’Arvine hors de son Valais d’origine, alors qu’il est inscrit, depuis 2011, au Catalogue officiel des variétés de vigne de raisins de cuve, sur la liste A1.
En Valais et ailleurs
Hors du Valais (186 ha actuellement, alors qu’il n’en restait plus que 39 en 1991), on le retrouve en traces dans d’autres cantons suisses, ainsi qu’au Val d’Aoste et en France: ainsi, Caroline Frey (domaine Jaboulet Aîné et Château La Lagune) est une inconditionnelle de l’Arvine, dont elle a planté quelques ceps en Vallée du Rhône (de quoi produire 100 litres environ) pour étudier son comportement.
Parmi les aficionados de ses vins, on peut compter Fredy Girardet, le maitre de Crissier consacré, en 1989, «Cuisinier du siècle» par Gault et Millau, en même temps que Paul Bocuse et Joël Robuchon.
A Fully Grand Cru, il existe une association de 23 vignerons-éleveurs qui produisent depuis 1996 quatre vins grand cru sur le village: ermitage, petite arvine, gamay et syrah. La plus célèbre vigneronne membre de cette association est, sans conteste Marie-Thérèse Chappaz, qui a su montrer que l’on pouvait élaborer à partir de ce beau cépage aussi bien de grands blancs secs que des liquoreux de haute tenue.
JF Ulysse