Formé à la mécanique fine, mais ayant vécu de la viticulture, Daniel Brenner, 64 ans, est un Genevois voyageur, dynamique et jovial. Etabli à la distillerie et cave de Saconnex-d’Arve, à Plan-les-Ouates, il cessera son activité le 31 août.
Natif de Plan-les-Ouates, Daniel Brenner a enchaîné les aventures à l’autre bout du monde avant d’y revenir dans l’une des deux dernières distilleries du canton. Il est ainsi d’abord parti à Zurich, pour une première expérience professionnelle dans la fabrication de machines agricoles, chez Bucher Landtechnik, puis en Algérie. Pendant un an, il a formé des apprentis dans une usine de production de machines-outils de Constantine. «Le pays était alors enthousiaste de sa récente indépendance. Les habitants avaient une grande confiance dans leur développement futur», se souvient-il un brin amer. A son retour, il délaissa le monde des machines pour s’investir dans une toute autre passion. «Les quelques visites que j’ai faites chez des vignerons m’ont beaucoup plu», explique-t-il. C’est ainsi qu’il suivit les cours en viticulture et œnologie de l’Ecole d’ingénieurs de Changins, entre 1978 et 1980 et qu’il est parti deux ans en France, dans le Sud-Est, près de Toulouse. «Ce fut une très bonne opportunité pour me former et pratiquer la théorie». Fort de cette expérience, il se retrouva, avec une poignée de pionniers bernois et zurichois, dans le Tessin, à une époque où la viticulture était proche de l’abandon. «Au départ, nous étions une dizaine qui avions et la foi et l’envie de produire et de vinifier du Merlot». Les premières années, il tirait ses revenus d’une pépinière viticole, tandis qu’il défrichait les terrains. Le tournant a lieu quand en 1997, avec sa femme, ils décident de partir au Cameroun, en tant que volontaires. Ils se retrouvèrent donc à Yokadouma, tout près de la frontière Centrafricaine, pendant quatre ans et reviennent en 2000, au début des Natels. «Nous avons eu plus de facilité à nous immerger là-bas qu’à revenir dans notre propre pays».
Un authentique producteur Genève Région-Terre avenir
Le hasard lui fait reprendre la distillerie de Saconnex-d’Arve et Luigi de Bortoli, le distillateur emblématique de la commune, l’initie pendant six mois. «Il y était resté plus de 40 ans et avait un savoir-faire extraordinaire». Le bail prend fin à la fin de l’été et sonne le glas d’une tradition locale vieille de plus de 120 ans. S’’il ignore ce qu’il adviendra du bâtiment, il sait qu’il n’a pas envie de s’arrêter à produire du vin. «Les coûts en matériel et les contraintes sont des budgets trop lourds pour me relancer ailleurs», dit Daniel Brenner. Depuis six ans, son association «Coing Culture» propose des lectures à sa soixantaine de membres et aux amateurs. Pour début juin, le thème est sobre et tout trouvé: partir. En septembre est prévu un ultime évènement surprise en guise de baroud d’honneur. Ensuite, Daniel Brenner aura du temps pour ses abeilles et pour ses photos. Avant cela, et d’ici la fin août, il mettra dans ses dernières bouteilles d’eaux-de-vie, de cerises ou de prunelles, plus que son cœur, un peu de l’âme de Saconnex-d’Arve.
Benjamin Philippe
Photo: Daniel Brenner distille des eaux-de-vie de coing et de mirabelle depuis 14 ans. © DR