Hôtes indésirables dans les assiettes: quel comportement adopter ?

Une magnifique journée sur une terrasse du Jura vaudois à l’été 2023. Au moment de terminer ma salade, voici qu’un vaillant asticot pointe le bout de son museau. Emprunté, le restaurateur se confond en excuses et retire le plat de l’addition. Mars 2024, dans un établissement haut-savoyard branché, recommandé loin à la ronde pour ses plats inventifs, c’est un bout de verre bien tranchant qui se cache sous une écume à la truffe. Heureusement que ma lèvre l’a repéré, car les suites auraient pu être bien douloureuses, voire fatales en cas d’ingestion. Interloqué, le serveur est reparti fissa en cuisine et le patron a retiré également le plat de la note. Convaincu qu’il a eu la bonne attitude, il m’a instamment demandé que cette mésaventure reste entre nous…

Quelle est précisément la bonne attitude à adopter vis-à-vis du client ? Quatre chefs genevois nous répondent.

Un asticot dans une salade, que faites-vous ?

Olivier Jean (L’Atelier Robuchon, Genève)
Il est assez courant de trouver des hôtes indésirables dans les légumes, surtout s’ils sont bio. Pour prévenir cela, je lave les légumes avec du vinaigre et 1% de javel. Si malgré tout un client tombe sur un asticot, je me confonds en excuses. J’offre le plat et réinvite le client à déjeuner pour réparer le préjudice moral.

Stefano Fanari (Giardino Romano, Genève)
Je m’assure personnellement des manipulations de lavage de la salade et j’attire l’attention du personnel au sujet des responsabilités de chacun. Si cette mésaventure arrive dans mon établissement, je m’excuse bien sûr. Je propose au client une autre entrée non payante et ne facture pas la salade.

Jean-Marc Bessire (Le Cigalon, Thônex)
Un asticot est bien sûr désagréable mais c’est la nature. Vis-à-vis du client, de grandes excuses. Il est évident que la salade est offerte, et l’apéritif ou le café aussi. Je demande à mon personnel de faire plus attention au lavage de la salade.

Stéphane Faval (École Hôtelière de Genève)
Nous ne sommes jamais à l’abri d’une telle erreur. L’important est de bien former les équipes. Une salade doit toujours être nettoyée avec de l’eau et du vinaigre par trempage et surtout égouttée sans renverser les impuretés qui se sont déposées au fond du bac. Au niveau de ma réaction au sein de l’équipe et surtout par rapport à nos clients étudiants mon discours est clair : ce n’est pas normal, l’erreur reste humaine, mais le client paie notre manque de professionnalisme. Il faut redoubler de vigilance au quotidien, rester concentré et surtout se mettre à la place du client.

Un bout de verre dans une assiette, comment réagissez-vous ?

Olivier Jean (L’Atelier Robuchon, Genève)
Si cela devait arriver dans mon établissement, je m’excuse bien sûr, et propose un suivi médical immédiat car les conséquences peuvent être très graves. J’invite la table entière et réinvite le client pour qu’il ne reste pas sur cette expérience.

Stefano Fanari (Giardino Romano, Genève)
Heureusement que ce genre d’expérience est rare. Il est impératif de ne jamais poser de verre en hauteur dans une cuisine. En cas l’éclatement de verre, il convient de jeter tout ce qui est à proximité, et pour le reste vérifier attentivement ce qu’on sert. En plus des excuses, le client ne payera pas son repas.

Jean-Marc Bessire (Le Cigalon, Thônex)
Après un bris de verre, j’informe et contrôle tous les plats proches des éclats. Dans le doute, je ne sers pas ces plats. Vis-à-vis du client, un bout de verre dans une assiette est une faute grave, avec de graves conséquences potentielles. Nous nous excusons, prenons l’adresse du client et lui envoyons des fleurs ou une invitation à un repas.

Stéphane Faval (École Hôtelière de Genève)
Le verre n’est pas du tout bienvenu dans une cuisine. Il doit être stocké dans des bacs GN, de plus filmés pour éviter que toutes sources étrangères ne puissent tomber dans la préparation. La formation préconise par ailleurs de passer un potage pour éviter fibres et maladresses (un blender qui se casse par exemple). Il m’est arrivé au restaurant Vieux-Bois que l’on trouve un bout de film plastique au milieu du mesclun. Ma réaction a été d’offrir la salade et les cafés à l’ensemble de la table. Le service a pris soin de s’excuser.

Manuella Magnin