Il recycle des carlingues d’avions en aménagements

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L’histoire incroyable des aménagements originaux de Stéphane Brosse débute lors de son parcours de salarié auprès de Voyageurs du Monde, tour-opérateur spécialisé dans les voyages individuels sur mesure, une activité de globe-trotter qui l’amenait à la découverte des merveilles du monde. 


Ambiance locale pour cet atelier plutôt pittoresque. 

Du village à la ville

Quand Stéphane Brosset devint acheteur auprès de la fondation créée par son employeur, sa mission consistait principalement à explorer les divers continents, à la rencontre de l’essence de l’artisanat local. Pas question de faire du commerce d’objets touristiques! Son regard sur l’art s’est affiné au fil des voyages, à travers ses découvertes dans divers pays d’Asie. «En réalité, j’ai toujours évolué dans le monde des objets.» note l’homme d’affaires, lorsqu’il jette un regard sur ces années passées. Sa profession d’acheteur l’entraînait alors dans les profondeurs de contrées lointaines, à glaner des trésors d’art fin, rapatriés ensuite par container en Europe où ils seraient revendus à des amateurs.

Lors d’un voyage en Thaïlande, il jubila de voir avec quelle ingéniosité et quelle créativité les habitants transformaient les objets, les détournaient de leur fonction première pour leur offrir une seconde vie, dans un esprit de durabilité intuitive. «Cette manière de faire les choses avec ce qu’on a m’a ouvert les yeux», me confie avec émotion Stéphane Brosset. Cette phase représenta l’apprentissage de l’art de choisir de beaux objets et de savoir les valoriser auprès de publics d’initiés comme de dilettantes. Sa pratique le mena de l’artisanat aux antiquités, et à s’intéresser plus particulièrement aux objets d’origine tribale. Il se spécialisa dans l’art de l’Afrique de l’Est (Kenya, Soudan, Tanzanie, Mozambique) où il se fit de nombreux amis. Parmi eux Khan Key, son «frère africain», s’occupe de l’atelier en l’absence de Stéphane. «L’art traditionnel africain fin mérite d’être préservé, car les objets sont souvent perdus ou détruits lors d’affrontements entre tribus. En effet, certaines ont pour coutume de brûler tout symbole de leurs rivaux!», précise l’expert. Les institutions qui récupèrent ces objets œuvrent aujourd’hui à leur préservation.


Les carcasses d’avion demandent une réelle logistique pour être évacuées.

Trésors abandonnés

Avec le temps, Stéphane Brosset se mit à la recherche d’objets plus contemporains, qui se révélèrent assez rares, vu le manque de matières premières. Le Musée du Qatar lui fit aussi ramener une case Rendille depuis le Lac Turkana, le plus grand lac désertique du monde situé au Kenya (placé en 2018 sur la liste du patrimoine en péril de l’UNESCO), une case partie ensuite pour Brooklyn. Ce voyage les mena jusqu’au désert du Shelby, chez les Grabas. Chemin faisant, ils remarquèrent une épave d’avion crashée sur leur route, c’était un vieux Cessna. Ils projetèrent de démonter son aile et de l’emporter à leur retour de mission. Et c’est ce qu’ils firent, mais après avoir dûment palabré et négocié avec les habitants locaux, notamment au sujet de «l’aide» que ces blancs becs pourraient bien leur apporter en échange de leur trésor. Le pacte fut scellé, suivi des festivités d’usage lors de telles transactions gagnant-gagnant. 

C’est ainsi que la première aile d’avion fut transportée jusqu’au garage d’un ami ébéniste, et qu’elle devint l’élément-clé d’un premier bar en bois. Cette curiosité artistique fut par la suite vendue à Nairobi. «Pris au jeu, j’ai ensuite recherché d’autres carcasses d’avions.» raconte Stéphane Brosset. «J’ai un collègue sur place qui travaille sur des ailes d’avion, à Nairobi notre affaire occupe 3-4 travailleurs en permanence.» Nous avons dédié trois ans de travail à la création d’objets pour l’aménagement de bar. «Le nez ou l’aile sont des espaces vides. Nous avons cherché à aménager leur intérieur avec du bois noble de mahogany, une sorte d’acajou». Un travail énorme, lorsqu’on sait que le seul décapage d’une aile dure 3 mois. Pourtant la passion prime sur les affaires. «Le transport du matériel depuis l’Afrique nous coûte plus cher que les objets eux-mêmes, mais nous aimons ce que nous faisons!», sourit Stéphane Brosset.

L’idée originale de valoriser un déchet, un élément qui à priori n’intéresse personne (car les éléments mécaniques sont pillés les premiers, puis revendus à Nairobi), est une manière brillante d’allier créativité et conscience environnementale. Redonner vie aux avions crashés fait non seulement prospérer le commerce local, mais l’activité contribue également à nettoyer les plaines. Les objets revalorisés servent de décor original pour les bars et restaurants. A Nairobi, par exemple, on loue ces éléments pour créer des décors originaux dans les soirées de la jet set.

Valoriser les déchets de l’aviation au service de la culture, voilà ce qui pourrait être la mission de l’ajoulot Stéphane Brosset. Une passion née de ses voyages en Afrique.

Pamela Chiuppi

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