La décoration fait partie des choix stratégiques des professionnels de la restauration, intimement liée à l’identité
institutionnelle de leur établissement. Concept pointu ou tout public, une tendance se dessine.
Le naturel choix judicieux
Comme dans une garde-robe, la tendance générale du design d’intérieur invite le restaurateur à composer son agencement avec des pièces maîtresses de qualité et intemporelles et d’éléments de décoration tendance, où couleurs, formes et styles s’harmonisent. «En hôtellerie, les achats design et mobilier se font plutôt à moyen terme», indique Christophe Dubois, professeur et responsable projets et semestre 5 à l’Ecole Hôtelière de Genève. Alors que choisir? «J’observe un retour au côté naturel. C’est en lien avec les tendances alimentaires, et du développement durable, comme par exemple la demande de manger local, bio et de saison». Les codes couleur suivent ce mouvement nature, avec des verts et des gris clairs, tout en obéissant aux dictats culturels parfois stricts, présents par exemple en Asie et au Moyen-Orient. «Les restaurants choisissent des couleurs minérales, installent des murs végétaux, optent pour des matériaux tels que l’ardoise, le bois, le parquet, les tommettes.»
Entre modernité et recettes de grand-mère
Le monde des affaires où chaque investissement demande à être rentabilisé promet encore des jours heureux à la tendance récup’ et à l’upcycling, toujours aussi actuelle et présente, qui force toutefois les intéressés à se tenir au courant des lignes, couleurs et styles dans l’air du temps. Des réseaux sociaux comme Pinterest ou Instagram regorgent d’ailleurs d’idées, des plus sages aux plus farfelues. Dans un marché concurrentiel, les restaurateurs redoublent d’idée pour limiter les frais et insuffler à leur établissement une identité propre et pour offrir à leur clientèle un moment de convivialité dans un cadre moderne et accueillant. «Objets recyclés et détournés, chaises chinées parfois dépareillées, palettes de récupération qui deviennent des éléments de décoration, caisses de pommes reconverties en étagères, la décoration d’aujourd’hui est un mix entre modernité et recettes de grand-mère», constate Christophe Dubois.
Sur les tables d’Europe centrale, les fleurs semblent avoir été biffées du budget, en raison notamment de leur coût récurrent, alors qu’elles font encore partie intégrante du décor de leurs régions d’origine nordique. «Les fleurs coupées sont remplacées par des plantes, des petits pots ou des éléments de décoration intégrés comme des murs végétaux», note Christophe Dubois. Un touche déco naturelle qui se garde dans le temps est privilégié, comme des fleurs figées dans un gel (pas trop kitch, svp!) ou des éléments de décoration en bois flotté. «Pour les plats mijotés, on revisite la vaisselle d’antan qui devient globalement déstructurée en terme de formes et de couleurs. On détourne des contenants comme les bocaux de conserve en verre pour les utiliser comme bols à salade», étaye l’enseignant. «Les clients aiment retrouver une sorte de chez soi au restaurant. Remarqué dans les cafés littéraires, le côté salon reste aussi au goût du jour, avec des canapés et des bibliothèques pleines de livres, vrais ou faux.» Ce signe des temps reflète le besoin d’ancrage d’une génération qui passe beaucoup de temps hors de chez elle.
Valoriser le produit
Vos clients aiment savoir exactement ce qu’ils mangent? A l’image des étals de poissons des marchés thaïlandais où vous choisissez le poisson qui sera cuisiné pour vous, les produits frais sortent eux aussi de la cuisine. «Dans l’installation d’un restaurant, la tendance est de valoriser les produits frais tout en restant pratique. Par exemple, certains ont disposé en salle des armoires à viande où sont exposées les pièces en maturation, une idée qui va dans la continuité des armoires à vin», poursuit Christophe Dubois.
Les produits «maison» du restaurant et autres dérivés sont aussi en pleine expansion. «Certains établissements ont agencé un petit coin épicerie, avec des produits élaborés par le chef, des conserves à l’emporter et des emballages recyclables.» Une approche subtile qui prolonge l’expérience client hors des murs du restaurant en invitant le produit chez lui!
Reste que les investissements sont périlleux et que le marché doit être étudié de près pour éviter l’effet doublon. «Le but est d’être le plus large possible en terme de clientèle, sauf si le concept de restaurant est très ciblé», conclut Christophe Dubois. «L’évolution est très rapide, les gens en ont besoin». A vous donc de savoir actualiser les lieux. «Si le design et la décoration aident à se démarquer, la relation authentique avec le client doit faire partie de l’ADN du restaurateur. Tabler sur le seul design ne peut plus suffire.»
Pamela Chiuppi