Nous avons rencontré Jean-Paul Baechler, directeur de la société Culturefood qui est devenue depuis quelques années l’un des acteurs majeurs dans la distribution de denrées alimentaires en Suisse romande. Rencontre avec l’homme et sa vision.
D’où venez-vous, quel a été votre parcours?
Je suis attaché à la terre depuis toujours. Mon père qui était menuisier ébéniste s’est tourné plus tard vers l’agriculture pour reprendre le domaine familial avec son frère. J’ai donc passé mon enfance dans une ferme, avec mon père et mon oncle. Je suis en somme né les pieds dans la terre. Je la respecterai toujours, cette philosophie guide mon quotidien.
Après un apprentissage de commerce à l’ancienne centrale Migros de Marin-Neuchâtel, j’ai poursuivi avec une maitrise fédérale de chef de vente. En tant que chef de secteur dans une coopérative avec une vingtaine de collaborateurs, j’opérais dans l’achat/vente et la mise en valeur de produits végétaux. Nous achetions aux producteurs et revendions les denrées pour la transformation et la vente au commerce de détail, à la gastronomie, aux industries. Par exemple, la pomme de terre était revendue pour la production de chips, de frites ou autres.
Comment est née Culturefood?
En 1991, j’ai repris la direction de la société Rolle Primeurs en gros SA (FR, NE, Jura bernois), soit une dizaine de salariés. Avec mon associé Laurent Cottet, nous avons racheté la société en 1997 et l’avons fait grandir jusqu’à une cinquantaine de collaborateurs. En avril 2014, nous avons fusionné avec la firme veveysane QLC (active principalement sur VD et VS), ce qui a donné naissance à Culturefood. Cette fusion nous a ouverts à toute la Romandie et nous ne sommes plus exclusivement primeurs, mais bien distributeurs en denrées alimentaires. Ce virage important nous a menés à un développement dans lequel s’inscrit l’élargissement de notre assortiment à 22’000 références.
Quels liens avez-vous noués avec Terroir Fribourg?
Le terroir me parle depuis tout petit. Je suis membre de Terroir Fribourg (avec ma société) depuis leur fondation, soit une bonne quinzaine d’années. C’est bien que l’on y revienne, l’industrialisation est allée un peu loin et l’on sent ce besoin de retour aux sources à travers la mouvance des bons produits, sains et locaux. Comme distributeur axé terroir, tout ce que nous pouvons acheter au plus proche de notre siège est clairement priorisé, pour autant que la qualité soit présente.
Quels sont vos produits phares?
La poire à Botzi est typique du terroir fribourgeois. On en récolte 50-80 tonnes par an. Les chouchous du public se retrouvent au menu de Bénichon, cette fête qui se déroule aujourd’hui toute l’année dans différentes régions du canton. Dans le menu, on retrouve de nombreux produits du terroir, comme les délices de la Borne (jambon, saucisson, choux aux pommes de terre) il y a aussi l’agneau et les poires à Botzi, les meringues à la crème double et les différents biscuits (pains d’anis, croquets).
En 2007, nous avions organisé avec le chef Pierrot Ayer une Grande Bénichon sur 3 jours, voyant que la tradition se perdait à certains endroits. Cette grande fête était un cri du cœur. Un franc succès, puisqu’il a été servi plus de 3500 menus de Bénichon. Les années suivantes ont vu revivre et naître d’autres Bénichon à travers le canton. Tourner l’évènement vers l’extérieur est une clé du marketing touristique.
Quelle vision avez-vous des produits du Terroir en Suisse pour les 5 prochaines années?
A mon sens, deux axes devraient encore être développés. Faire connaître les produits et les diffuser à l’extérieur du canton, pour autant que la production suive, bien évidemment. La Poire à Botzi AOP par exemple se limite à la production annuelle dans une région donnée. Le gel d’avril a fait de gros dégâts et l’on estime que la récolte de poires à Botzi sera de moitié inférieure à la production normale. Le deuxième axe à développer est la distribution et la diffusion des produits, notamment ceux dont la production atteint une masse critique et qui peuvent voir leurs limites dans la vente directe.
Un avis sur les concepts de durabilité (économique, écologique et sociale)?
Oui, le concept me parle. Il est très actuel. Dans ce registre, Culturefood vient d’adhérer au concept et indice écologique Beelong (développé par l’Ecole Hôtelière de Lausanne ndlr), qui intègre les trois aspects. Une conférence de presse sera bientôt organisée pour présenter notre stratégie de durabilité pour le secteur des fruits et légumes.
Quels sont les défis des produits suisses dans un contexte de marché globalisé?
Cela dépend de quels produits on parle. Si les produits de masse sont élaborés un peu partout dans le monde et rencontrent des difficultés à se différencier, il reste des opportunités intéressantes dans les marchés spécifiques et de niche. Par exemple, le Gruyère AOP et le Vacherin fribourgeois AOP, même à un prix de vente assez élevé, sont très appréciés à l’international, en comparaison aux produits de masse.
Pamela Chiuppi