Le quatrième canton suisse et premier canton romand par la superficie détient une vraie richesse gastronomique, grâce à sa tradition agricole qui remonte au 18e siècle, époque où les trois quarts de la population vivaient à la campagne et travaillaient l’agriculture ou l’élevage.
Il est difficile de faire un choix dans la multitude de recettes vaudoises disponibles. Celles qui suivent ne sont que le reflet d’un choix arbitraire où l’originalité a été le maître mot.
Soupe à la pierre
Selon certaines sources, ce serait une soupe traditionnelle du Portugal ramenée par un moine errant. Selon d’autres, il s’agirait d’une tradition culinaire du Pays-d’Enhaut. Ce serait une recette d’un vagabond du siècle dernier qui se serait servi d’une pierre comme stratagème pour pouvoir manger une bonne soupe chez un montagnard.
Pâté de boutefas
Le boutefas est un gros saucisson qui
une fois fumé, devait être mangé,
coupé en tranches très fines pour ne
pas en gaspiller.
Gâteau à la papette
Dans ses carnets sur les Vieux métiers de la Vallée de Joux, Auguste Piguet (1874-1960) mentionne le gâteau à la papette comme un gâteau traditionnel de la Vallée de Joux, préparé généralement à base de pruneaux secs. Mais il pouvait aussi être garni de raisinés (raisinets), pommes, cerises ou cruilles (airelles des marais). Samuel Aubert (1871-1955), dans ses Saveurs de jeunesse, publiés à la fin de sa vie, précise que ce gâteau était mangé à Nouvel-An et dans la quinzaine qui suivait.
Le gâteau à la papette est un gâteau sucré à base de pâte brisée, garni de pruneaux et de raisins secs cuits et broyés «papette». Il s’agit d’une spécialité de la Vallée de Joux, dans le canton de Vaud. Son autre nom, «gâteau noir», provient de sa couleur, donnée par les pruneaux secs. Il y a quelque chose d’insolite à voir les raisins et pruneaux secs constituer la base d’une spécialité de la cuisine paysanne combière, alors que ni les uns ni les autres ne sont produits à la Vallée de Joux, le climat de la Vallée étant trop rude pour la plupart des arbres fruitiers. Quoi qu’il en soit, le gâteau à la papette subsiste vaillamment, signe qu’il reste apprécié pour ses qualités gustatives.
Fines salées de Corcelles
Si l’on en croit la mémoire des habitants de Corcelles, les fines salées existent depuis 1917. Certains ont toutefois rapporté que la fine salée existait déjà avant… dans une version salée!
L’invention de la version sucrée, la seule qui subsiste aujourd’hui, serait consécutive au développement des cultures de betteraves sucrières, introduites dans la région en 1912. La fine salée est restée tout au long du 20e siècle une spécialité locale toujours très appréciée. A l’instar de la plupart des «salées» vaudoises, les fines salées de Corcelles sont des pâtisseries… sucrées. Elles se présentent comme des losanges ou des carrés très fins de cinq à sept centimètres de côté environ. Elles sont cuites sous forme de plaques, les carrés ou losanges n’étant découpés qu’à la sortie du four. On les consomme principalement lors de fêtes et les amateurs viennent parfois de loin pour le seul plaisir de pouvoir en déguster!
Taillé aux greubons
Dans son livre Les recettes de ma grand-mère, William Gonet, présente une recette de taillé aux greubons léguée par son aïeule, la faisant ainsi remonter à la fin du 19e siècle. On dispose aussi d’une recette de «taillé aux grébons» publiée en 1907 dans La cuisine renommée d’Auguste Jotterand (1873-1939). La confection de taillés aux greubons, sous forme de galettes rondes ou en bandes, salées ou sucrées, est attestée dans le canton et en plusieurs lieux de Suisse romande, tout au long du 20e siècle. Elle a connu un essor inattendu dès les années 1940, grâce au fondoir à saindoux mis au point en 1945 par les Ateliers mécaniques de Vevey, dont un exemplaire est alors acquis par les abattoirs de Lausanne. Cette innovation s’est avérée particulièrement adaptée à la production de greubons de grande taille et d’excellente qualité gustative car la fonte sous vide du lard gras de porc permettait d’obtenir des greubons sans «goût de brûlé». Le fondoir lausannois a approvisionné la plus grande partie des boucheries et boulangeries du canton jusqu’à sa mise hors service en 2001. Ce développement a vraisemblablement contribué à en faire, d’une manière plus marquée qu’auparavant, une spécialité artisanale perpétuée par les boulangers et les bouchers du canton. Le taillé aux greubons se déguste en général à l’apéritif, accompagné de vin blanc, ou comme en-cas à tout moment de la journée. Avec les flûtes et les bricelets, le taillé aux greubons fait partie des spécialités que l’on sert avec le vin dans les «carnotzets» et caves vaudois.
JC Genoud-Prachex