Une ethnologue aux fourneaux

Habituellement, les ethnologues on les rencontre dans des musées ou les Universités. Nabila Mokrani, elle, a choisi les nourritures terrestres pour les visiteurs du Musée d’Ethnographie de Neuchâtel, le Men.

Parce qu’elle est née de mère suissesse Nabila, née à Alger, a pu venir en Suisse y parachever un parcours universitaire et obtenir sa licence en lettres et sciences humaines à Neuchâtel en 2002, une ville réputée pour les études d’ethnologie. Seulement une fois le précieux viatique en poche, elle a choisi une autre orientation. «J’ai toujours adoré faire la cuisine et, fin 2002, on m’a proposé de travailler dans un restaurant avec une juriste», dit-elle avec la simplicité et la jovialité qui la caractérise. Quid de sa licence? «J’ai fait des études sans avoir de plan de carrière. Ici (au Men, ndlr), je suis très bien car je fais 50% de cuisine et 25% d’animation culturelle, Je crée des ateliers et j’organise des visites guidées les mercredis et les samedis». 

Cuisiner? Un divertissement! 

«Ce restaurant, c’était à Colombier. Et c’était 14 à 15 heures de travail par jour. J’ai appris énormément de choses durant ces six mois, ceux d’Expo.02. J’ai appris à gérer les stocks, à préparer une carte, les approvisionnements, une équipe de 5 à 6 personnes».

Pour quelqu’un qui en était à sa première expérience professionnelle dans le métier, ce fut plutôt rude. Mais elle a su tirer les marrons du feu et l’expérience s’est conclue tout à fait positivement. «Ensuite, le gérant du «Chauffage compris» à Neuchâtel, qui avait entendu parler de moi, m’a contactée. Cet établissement était un peu particulier: café le matin, deux plats du jour à midi (pas de carte), bar le soir. Tous les jours, je faisais les deux menus pour 50-60 couverts. Cela a duré cinq ans. Et puis j’ai eu envie de changer. Pour cette raison, j’ai fait la secrétaire syndicale. Mais la cuisine me manquait. C’est alors que j’ai été sollicitée par le Musée d’Ethnographie de Neuchâtel (Men) pour faire vivre le café du musée crée en 2004 par Hainard». 

Souci écologique

Grâce à elle, depuis 2011, 25 couverts sont servis à midi, les mardis et mercredis. «J’aime pouvoir changer les propositions de plats. Mais je mets l’accent sur des menus presque exclusivement végétariens, pour le côté écologique. Et je fais travailler des producteurs locaux pour mes plats, comme la soupe à l’oseille ou la tarte tatin à la rhubarbe. Bien sûr étant donné que des enfants viennent aussi au Men, il m’a fallu penser à eux: brownies, fondant au chocolat, cake au carottes et chocolat, cheesecake».

Lorsqu’on lui demande d’où elle tire son inspiration, Nabila répond simplement: «je feuillette de temps en temps des livres de cuisine. L’humeur du moment intervient aussi et je prends ce qui me parle. Le but est de faire venir les gens au musée. S’ils ont la possibilité de faire une pause sucrée, c’est tant mieux. Pour servir 30 à 40 personnes, ma journée commence à 7 heures du matin, mais le buffet n’ouvre qu’à midi et demi».

En conclusion, Nabila est heureuse, car [elle] ne considère pas cela comme un travail, ajoutant: «je suis très libre dans ma cuisine, personne ne m’oblige à faire ce que je ne voudrais pas faire». 

Après douze ans de brunchs au MEN 

C’est en 2006 que Nabila Mokrani a commencé à proposer ses brunchs au Men (Musée d’ethnographie de Neuchâtel) aux visiteurs du musée. Premier bilan avec l’intéressée.

2006, date à laquelle vous avez eu la responsabilité d’organiser des brunchs, avez-vous constaté des changements dans les habitudes?

Une évolution, certes. Mais une évolution positive. Certains viennent pour chaque exposition. Nous avons ainsi des clients réguliers. Mais pour les fidéliser, cela dépend aussi beaucoup de nous. Nous devons faire en sorte que les gens aiment venir ici. Il y a aussi des groupes qui réservent pour les brunchs et uniquement pour cela. 

Avec quelle régularité organisez-vous ces brunchs?

Tous les mois, toute l’année. Il y en a un par mois. 

Quelle est la durée de la présence des visiteurs au brunch?

C’est assez variable. Entre une heure et deux heures et demie. Il y en a aussi qui viennent ici parce qu’ils s’y sentent bien, commandent une bouteille de vin de la Ville et ne s’en vont qu’au moment de la fermeture…

Quelle est la proportion hommes/femmes? 

C’est 50-50. Et d’âges très différents.

Combien de brunchs avez-vous servis au cours de ces douze ans?

Entre 70 et 80.

Quelles sont vos spécialités?

J’aime proposer des petites pommes de terre sauce wasabi, du saucisson neuchâtelois, de la bondelle fumée du lac, des terrines neuchâteloises, du «bleuchatel», un fromage de vache plus crémeux que le gorgonzola. De temps en temps, j’ai un coup de cœur pour la Tête de Moine et le Chaux-d’Abel (Fromage fabriqué artisanalement et uniquement avec du lait cru provenant de vaches laitières nourries au pâturage jurassien selon une recette traditionnelle, il est affiné pendant deux mois et demi sur son lieu de production.ndlr).. Mais pas encore l’Etivaz!

Quel est le coût du brunch?

30 CHF par personne, avec boisson et visite.

Lionel Marquis

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